À l’heure des grands bouleversements économiques, la surenchère des rémunérations corrélée à la pénurie de personnel ont un écho retentissant sur le marché du travail, bousculant l’ordre établi. Face au phénomène, les patrons de TPE / PME se voient contraints de changer de paradigme, de se réinventer et de séduire.
Alors, comment sortir de ce mauvais pas ? Comment combiner hausse de salaire et économies sur les salaires tout en fidélisant ses talents ?
Fort heureusement, l’arsenal social offre une gamme formidable d’outils d’optimisation des rémunérations. Le champ des possibles est large et ne demande qu’à être exploité.
1 : Établir une grille de salaire
Le changement de paradigme auquel nous assistons semble sonner le glas de la rémunération individuelle, négociée à l’embauche ou décidée au mérite.
Pour attirer et surtout pour conserver ses collaborateurs, il incombe désormais à l’employeur d’adopter une approche globale et cohérente. Il doit s’engager dans une réflexion visant à projeter les évolutions clés de la vie du salarié au sein de son entreprise.
Les cartes doivent donc être distribuées dès le départ pour ne plus laisser place à d’éventuelles négociations individuelles salariales dont la principale faiblesse est d’exacerber un terrain hautement sensible.
En d’autres termes, l’employeur doit définir son « plan de carrière » et veiller à assurer, conformément aux dispositions de l’article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme « une rémunération équitable et satisfaisante ».
2 : S’orienter vers une politique de salaire égalitaire
Oui, osons ce terme qui nous renvoie à d’anciens démons : le salaire et les augmentations de salaire doivent être égalitaires selon les niveaux. Ainsi, en fonction de leur expérience, des années de pratique et/ou de tout autres critères objectifs, les salariés bénéficieront, à poste égal, d’un salaire équivalent.
Terminées les convoitises salariales, l’insatisfaction et, in fine, le départ d’un collaborateur mécontent d’être rémunéré en deçà de son collègue occupant le même poste de travail.
Ce changement de valeur s’inscrit dans la continuité de la logique des jurisprudences sociales qui ont créé le célèbre principe de droit : « À travail égal, salaire égal » condamnant les employeurs pour rupture dans l’égalité de traitement de leurs salariés.
3 : Exploiter la rémunération variable, primes, bonus
Pour autant, si l’égalité des salaires devient progressivement le principe, cette égalité ne concerne que le salaire de base ou salaire fixe.
En effet, l’employeur dispose d’une liberté d’action pour opérer des différences de traitement objectives entre les collaborateurs. Il pourra s’agir, notamment, des collaborateurs les plus investis dans leur fonction ou bien ceux disposant de compétences à paramètres plus large apportant une véritable valeur ajoutée au groupe.
Ces rémunérations variables peuvent également être versées en fonction de critères de performance ou de résultats personnels sur une période donnée.
Ainsi, cette différenciation entre les collaborateurs pourra être valorisée par le versement d’une gratification / bonus / prime, positionnée sur une ligne distincte du salaire de base : prime de qualité, prime d’objectifs, prime d’accomplissement d’une mission supplémentaire, prime de remplacement d’un salarié absent…
De cette façon, l’employeur contrecarre le jugement dépréciateur, cause de démobilisation et à l’origine de nombreux départs : le défaut de reconnaissance.
Par la valorisation, l’employeur suscite la motivation et place ainsi la question de la reconnaissance, principal moteur de réussite, au centre des débats.
Cependant, pour contrer le contexte actuel inflationniste et concurrentiel l’employeur doit aller encore plus loin en développant une stratégie collective compétitive.
Encore plus loin ? Mais comment augmenter la masse salariale sans qu’elle ne devienne incompatible avec la situation économique et financière de la société ?
4 : S’orienter vers une politique de rémunération collective attractive
Aux côtés d’un salaire brut compétitif, le droit social offre un ensemble de moyens d’actions variés et collectifs qui jouent un rôle clé au sein de l’entreprise, permettant de satisfaire à la fois salariés et employeurs : les salariés se voient attribuer des avantages nets de charges sociales et d’impôt sur le revenu. Les employeurs font l’économie des charges patronales sur les avantages octroyés.
Le salaire, mais pas seulement
Au-delà de l’aspect financier, ces avantages constituent « un plus » pour renforcer l’attractivité et l’image de l’entreprise et « font la différence » entre les sociétés qui se disputent les candidats.
C’est une valeur ajoutée extrêmement recherchée et appréciée par les salariés.
Pourtant, un nombre important d’employeurs font encore le choix de ne pas actionner ce fort levier financier : « si je dois verser la Prime de Partage de Valeur ou la prime d’intéressement à tout le monde, alors je ne la verse à personne ».
C’est oublier l’atout que représente ce vivier de dispositifs pour lutter contre la pénurie de personnel.
Dispositifs de rémunération facultatifs et collectifs | Définition | Régime social |
---|---|---|
Prime de partage de la valeur (PPV) | Dispositif pérenne qui permet à l’employeur de verser au salarié une prime. | Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales (patronales et salariales) dans la limite de 3 000 € par bénéficiaire (ou 6 000€ sous conditions). |
Accord d’intéressement | Dispositif d’épargne salariale lié aux résultats ou aux performances de l’entreprise | Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales (patronales et salariales) / Déduction du bénéfice imposable des sommes versées. |
Plan Epargne Retraite (PER) | Dispositif d’épargne salariale à long terme : permet d’économiser pendant la période d’activité pour obtenir, avec l’aide de l’entreprise, un capital ou une rente à l’âge de la retraite. | Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales (patronales et salariales) / Possibilité de versements de sommes et droits issus de l’épargne salariale en entreprise (intéressement, participation, abondements employeurs). |
Chèque cadeaux | Dispositif d’octroi de cadeaux et bon d’achat en lien avec des événements pré-déterminés | Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales (patronales et salariales) dans la limite de 5% du plafond mensuel de la Sécurité sociale. |
Tickets restaurants | Dispositif d’octroi d’un titre de paiement qui permet au salarié de payer son repas | Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales (patronales et salariales) dans la limite du plafond du plafond annuel et à condition que la participation de l’employeur soit comprise entre 50% et 60% de la valeur faciale du ticket restaurant. |
Chèques Vacances | Dispositif d’octroi d’un titre de paiement qui permet au salarié de payer des prestations liées aux loisirs et aux vacances (hébergement, restauration, transports, activités culturelles…) | Exonération d’impôt sur le revenu dans la limite mensuelle du SMIC et de cotisations sociales (patronales et salariales). |
Complémentaire santé entreprise (mutuelle) | Possibilité de prise en charge totale de la cotisation / Possibilité de souscrire une complémentaire offrant de meilleurs remboursements | Exonération de cotisations sociales (patronales et salariales) / part patronale de la cotisations soumise à l’impôt sur le revenu. |
Versement prime transport | Prise en charge par l’employeur, sous forme de « prime de transport », des frais de carburant et d’alimentation des véhicules électriques engagés par les salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail est possible sous certaines conditions. | Les remboursements de frais de transport sont exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite de 400 € par an pour un véhicule thermique et de 700 € par an pour un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène. |
Activités physiques et sportives en entreprise | Financement par l’employeur de cours collectifs d’activités physiques et sportives / financement d’événements ou compétitions de nature sportive / mise à disposition d’une salle de sport appartenant ou louée par l’entreprise / mise à disposition de vestiaires et de douches / mise à disposition d’un matériel sportif. | Exonération de cotisations sociales (patronales et salariales) dans la limite annuelle de 5 % de la valeur mensuelle du plafond de la Sécurité sociale multipliée par l’effectif de l’entreprise. |
Attirer et soutenir financièrement les salariés : les dispositifs pécuniers exonérés de charges sociales
Mais gare aux effets d’aubaine : il ne s’agit pas de substituer ces dispositifs pécuniers exonérés de charges sociales aux rémunérations habituellement versées sous forme de primes brutes ou d’augmentation de salaire.
Pour prendre l’exemple de la Prime de Partage de la Valeur (anciennement appelée prime Macron ou prime de pouvoir d’achat) : le montant versé, s’il est exonéré de cotisations salariales, patronales et d’impôt sur le revenu sera totalement exclu du calcul des revenus de remplacement (cotisations chômage, maladie, retraite).
Prenons l’exemple d’un employeur qui verse une PPV au mois de juin d’une valeur de 3 000€. Le salarié quitte la société en rupture conventionnelle au mois d’août. La prime versée sera exclue du calcul de l’indemnité de rupture mais également du salaire journalier de référence pour le versement des allocations chômage.
Il s’agit donc davantage de combiner les dispositifs proposés pour séduire et soutenir financièrement les salariés. C’est « un plus » qui doit être appréhendé sous l’angle d’un avantage complémentaire au salaire et/ou d’un coup de pouce au pouvoir d’achat actuellement malmené.
Au-delà des nombreuses possibilités financières dont dispose l’employeur pour attirer les talents, il en existe d’autres, d’aspect immatériel mais tout aussi puissantes.
5 : Miser sur l’aspect humain
« Il faut traiter ses employés comme l’on traite ses meilleurs clients » – Stephen Covey.
Assurément, le fondement des relations professionnelles repose principalement sur une pratique « saine » du management : pour qu’un salarié s’épanouisse au sein de l’entreprise qu’il a choisi, il ne doit ni craindre son supérieur, ni craindre l’erreur, il ne doit pas se sentir espionné ni critiqué.
L’une des causes principales de la démission d’un collaborateur est liée à son manager.
C’est dire que la posture de ce dernier est déterminante pour le fonctionnement de l’organisation. Il est un puissant levier de fidélisation.
Un bon manager doit accomplir sa mission avec aisance, voire avec plaisir. Il est légitime et doit donner l’exemple. Un leader doit s’adapter aux différentes personnalités et moduler son discours en fonction des attentes et des compétences de chacun. Il doit faire confiance, être à l’écoute, communiquer, complimenter, se rendre disponible et impulser l’autonomie de son équipe.
Adopter ces valeurs c’est créer une relation durable « gagnant-gagnant ». C’est répondre à la quête du bien-être, valeur contemporaine, présente dans tous les esprits.
6 : S’adapter aux évolutions organisationnelles
Pour ajouter à la difficulté, l’employeur doit faire face à un changement radical des mentalités au travail. En effet, la valeur travail ne tient plus le haut de l’affiche et les attentes des individus évoluent vers davantage d’épanouissement personnel.
Cette nouvelle inclinaison, initiée dans un premier temps par la génération Z (18/24 ans) contamine les autres sphères de travailleurs.
Selon le sondage OpinionWay pour Slack relatif aux actifs et les conditions de travail flexibles publié le 22 décembre 2022, on observe de nouvelles dynamiques concernant les aspirations professionnelles : 46 % sont prêts à changer d’emploi dans les 12 prochains mois, faute de flexibilité suffisante. La proportion la plus importante se trouve parmi les actifs de moins de 35 ans (60 %). On note une forte hausse parmi les actifs âgés de 35 à 49 ans (47 %, +8 points).
L’employeur a donc tout intérêt à repenser son modèle pour favoriser une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle de ses salariés.
Pour satisfaire cette mutation, il dispose de nombreux outils et notamment :
- Flexibilité des emplois du temps ;
- Variabilité des horaires ;
- Télétravail ;
- Travail hybride ;
- Mise en place de la semaine sur 4 jours…
Certes, il s’agit d’une remise en cause radicale des modèles existants. Mais c’est à ce prix que l’employeur ajoutera une valeur puissante à son entreprise et augmentera ses chances d’attirer et de maintenir ses talents.
Les entreprises les plus novatrices en la matière ouvrent la voie et s’emparent du sujet.
On observe en effet que la négociation collective sur le thème de l’organisation du travail connait un fort regain d’intérêt au niveau de l’entreprise : selon un rapport public relatif à la négociation collective 76 820 accords d’entreprise ont été conclus en 2021 dont 16 800 relatifs au temps de travail. On note également une montée en puissance de nouveaux thèmes de négociation comme le télétravail (plus de 4000 accords).
Le grand changement est en marche !
En conclusion
On l’aura deviné, beaucoup de réflexions en perceptive pour l’employeur. Celui-ci n’a plus d’autres choix que de tirer profit de cette gamme insoupçonnée d’outils de fidélisation et trouver la meilleure formule de séduction.
Nos professionnels des ressources humaines vous proposent, au travers de questions et d’exemples pratiques, de vous accompagner pour vous aider à trouver une stratégie complète et adaptée à votre organisation. Bien menés, ces travaux vous permettront d’enrichir votre action en termes de fidélisation des salariés, quelle que soit la taille de votre entreprise.