La dynamique entrepreneuriale française révèle une réalité contrastée : en 2024, 33,1% des créations d’entreprises sont portées par des femmes. Si ce chiffre témoigne d’une progression constante depuis plusieurs années, il souligne également le chemin restant à parcourir vers la parité. Au-delà de cette statistique globale, l’analyse détaillée du Bilan National des Entreprises des greffiers des tribunaux de commerce dévoile des tendances fascinantes sur les secteurs où les femmes entrepreneurs excellent et ceux où leur présence reste minoritaire.
Quels sont les domaines d’activité privilégiés par les femmes entrepreneurs en 2025 ? Dans quelles régions sont-elles plus présentes ? Comment se compare leur résilience face aux difficultés économiques ? Cette étude analytique décrypte les données les plus récentes pour dresser un panorama complet de l’entrepreneuriat féminin en France.
L’évolution de l’entrepreneuriat féminin depuis 2019
Contrairement aux idées reçues, la part des femmes dans la création d’entreprises ne connaît pas une progression linéaire. Entre 2019 et 2024, on observe une fluctuation intéressante :
- 2019 : 32,4% de femmes
- 2020 : 31,7% de femmes
- 2021 : 32,1% de femmes
- 2022 : 33,4% de femmes
- 2023 : 33,1% de femmes
- 2024 : 33,1% de femmes
Cette stabilisation autour de 33% sur les trois dernières années montre que l’entrepreneuriat féminin a atteint un palier. Malgré l’impact de la crise sanitaire en 2020 qui a provoqué un léger recul, les femmes entrepreneures ont fait preuve d’une remarquable résilience pour revenir à des niveaux supérieurs à ceux d’avant-crise.
Dans un contexte économique particulièrement difficile en 2024, avec un record de 59 352 ouvertures de procédures collectives (+17,4% par rapport à 2023), maintenir ce taux de participation féminine constitue un signal positif.
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Portrait-robot de la femme entrepreneure en 2024
L’analyse des données démographiques dessine un profil précis de la femme entrepreneure en France :
Un âge moyen légèrement supérieur aux hommes
En 2024, l’âge moyen des femmes créant une entreprise s’établit à 41,1 ans, contre 40,4 ans pour les hommes. Cette différence d’âge, bien que modeste, reste constante sur les dernières années et peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
- Parcours professionnels souvent plus discontinus
- Création d’entreprise parfois envisagée après une première carrière salariée
- Maturation plus longue des projets entrepreneuriaux
Des disparités régionales marquées
La répartition géographique des femmes entrepreneures révèle des écarts significatifs entre territoires :
| Région | Taux de femmes entrepreneures |
|---|---|
| Mayotte | 43,5% |
| Guadeloupe | 40,5% |
| Bretagne | 36,0% |
| Normandie | 36,3% |
| Nouvelle-Aquitaine | 35,7% |
| Corse | 34,7% |
| Île-de-France | 29,7% |
Les départements et territoires d’outre-mer se distinguent avec des taux de féminisation nettement supérieurs à la moyenne nationale. En métropole, la Bretagne et la Normandie affichent les meilleurs scores, tandis que l’Île-de-France ferme la marche avec seulement 29,7% de femmes parmi les nouveaux entrepreneurs.
Cette sous-représentation francilienne est d’autant plus frappante que la région capitale concentre près de 30% des créations d’entreprises en France. Un paradoxe qui souligne les défis spécifiques que rencontrent les femmes dans l’environnement entrepreneurial particulièrement compétitif de l’Île-de-France.
Les secteurs où les femmes entrepreneures dominent
L’analyse sectorielle révèle des domaines d’activité où les femmes sont majoritaires ou atteignent la parité avec les hommes :
Le secteur des services personnels en tête
La catégorie “Autres activités de services” constitue le seul secteur où les femmes sont majoritaires, représentant 52,4%des créateurs d’entreprises. Ce domaine englobe principalement :
- Soins de beauté
- Coiffure
- Services à la personne
- Bien-être
Cette prédominance féminine s’explique notamment par la forte adéquation entre ces activités et les compétences traditionnellement développées par les femmes, ainsi que par la flexibilité qu’offrent ces métiers en termes d’organisation du temps de travail.
L’enseignement, la santé et l’action sociale : vers la parité
Le secteur de l’enseignement, santé et action sociale atteint pratiquement la parité avec 50,1% de femmes entrepreneures. Ce chiffre reflète la féminisation globale de ces professions, où les femmes sont historiquement bien représentées :
- Professionnels de santé indépendants
- Structures d’enseignement privées
- Services d’accompagnement social
La progression des femmes dans ce secteur s’inscrit dans une tendance de fond, avec une augmentation constante de leur part depuis 2019.
Le dynamisme dans l’industrie manufacturière
Peut-être plus surprenant, les industries manufacturières comptent 40,6% de femmes parmi les créateurs d’entreprises. Cette forte représentation s’explique notamment par :
- L’essor de l’artisanat créatif (bijouterie, textile, céramique)
- Le développement de micro-productions alimentaires artisanales
- L’émergence de nouvelles niches industrielles à forte valeur ajoutée
Dans ce secteur traditionnellement masculin, la féminisation progressive témoigne d’une transformation profonde des modèles entrepreneuriaux.
Les secteurs à fort potentiel pour l’entrepreneuriat féminin
Au-delà des domaines où les femmes sont déjà bien représentées, certains secteurs montrent un potentiel de développement significatif pour l’entrepreneuriat féminin :
L’immobilier : un secteur en pleine transformation
Les activités immobilières comptent 39,3% de femmes parmi les entrepreneurs, un taux nettement supérieur à la moyenne nationale. Ce secteur présente plusieurs caractéristiques favorables :
- Un modèle d’affaires compatible avec une organisation flexible du temps
- Des barrières à l’entrée relativement limitées
- Une valorisation des compétences relationnelles
En 2024, ce secteur connaît toutefois des difficultés particulières, avec une hausse de 36,4% des procédures collectives. Il sera intéressant d’observer si les entreprises dirigées par des femmes font preuve d’une meilleure résilience dans ce contexte troublé.
Commerce et restauration : une présence féminine croissante
Les secteurs du commerce (35,6%) et de l’hébergement-restauration (35,5%) affichent des taux de féminisation légèrement supérieurs à la moyenne nationale. Ces domaines d’activité présentent plusieurs atouts :
- Accessibilité en termes de formation initiale
- Possibilité de valoriser des savoir-faire spécifiques
- Fort potentiel de différenciation
Il est intéressant de noter que dans le secteur de l’hébergement-restauration, particulièrement touché par les difficultés économiques (13,9% des procédures collectives), les femmes entrepreneures semblent faire preuve d’une moindre vulnérabilité, avec un taux de défaillance proportionnellement inférieur à leur présence dans le secteur.
Les défis persistants : secteurs à conquérir
Certains secteurs restent encore largement dominés par les hommes, avec moins de 20% de femmes entrepreneures :
La construction et les transports : des bastions masculins
Le secteur de la construction affiche le taux de féminisation le plus faible avec seulement 10,5% de femmes entrepreneures. Le domaine du transport et entreposage présente un profil similaire avec 10,5% de créatrices d’entreprises.
Ces secteurs cumulent plusieurs freins à l’entrepreneuriat féminin :
- Stéréotypes professionnels persistants
- Difficultés d’accès à la formation et à l’expérience initiale
- Environnement de travail parfois peu inclusif
Pourtant, ces domaines représentent un important vivier d’opportunités, la construction constituant le deuxième secteur d’activité en termes de créations d’entreprises (6,7% du total).
Le numérique : un potentiel sous-exploité
Avec 20,3% de femmes créatrices d’entreprises, le secteur de l’information et communication reste majoritairement masculin. Cette sous-représentation est d’autant plus problématique que ce domaine :
- Connaît une croissance soutenue des créations (+20,4% en 2024)
- Offre des perspectives de développement importantes
- Présente généralement une meilleure résistance aux crises économiques
La féminisation de ce secteur constitue un enjeu stratégique pour l’avenir de l’entrepreneuriat féminin.
Analyse des disparités territoriales
La géographie de l’entrepreneuriat féminin révèle des contrastes saisissants entre territoires :
Les territoires ultramarins en pointe
Les départements et régions d’outre-mer se distinguent par des taux de féminisation particulièrement élevés :
- Mayotte : 43,5% de femmes entrepreneures
- Guadeloupe : 40,5%
- Guyane : 37,7%
Cette singularité ultramarine s’explique notamment par :
- Une tradition entrepreneuriale féminine plus ancrée
- Des structures familiales où les femmes jouent souvent un rôle économique central
- Des dispositifs spécifiques d’accompagnement de l’entrepreneuriat féminin
Des dynamiques régionales contrastées en métropole
En France métropolitaine, les régions affichent des profils variés :
- L’Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire) présente les meilleurs taux de féminisation
- Le Sud (PACA, Occitanie) se situe dans la moyenne nationale
- L’Île-de-France et les Hauts-de-France ferment la marche
Ces disparités reflètent à la fois des différences culturelles, des structures économiques variables et des politiques territoriales plus ou moins favorables à l’entrepreneuriat féminin.
Le profil urbain/rural
L’analyse par taille de commune révèle également des tendances intéressantes :
- Les grandes métropoles affichent généralement des taux de féminisation inférieurs à la moyenne nationale
- Les villes moyennes et les territoires ruraux semblent plus propices à l’entrepreneuriat féminin
Cette répartition peut s’expliquer par plusieurs facteurs : coût de la vie plus abordable hors des grandes villes, concurrence moins intense, ou encore meilleure adéquation entre offre de services et besoins locaux.
Résilience et performance des entreprises dirigées par des femmes
Au-delà des statistiques de création, l’analyse des données sur les défaillances d’entreprises apporte un éclairage précieux sur la résilience comparée des entreprises selon le genre du dirigeant :
Une meilleure résistance aux crises
En 2024, dans un contexte d’augmentation généralisée des procédures collectives (+17,4%), les entreprises dirigées par des femmes semblent globalement plus résilientes :
- 23,7% des dirigeants concernés par des procédures collectives sont des femmes, alors qu’elles représentent 33,1% des créateurs d’entreprises
- Cette sous-représentation dans les défaillances s’observe de façon constante depuis 2019
Cette meilleure résistance peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
- Une approche souvent plus prudente du développement
- Une gestion financière généralement plus rigoureuse
- Une plus grande capacité d’adaptation face aux difficultés
Des disparités sectorielles importantes
La performance comparée des entreprises dirigées par des femmes varie significativement selon les secteurs :
- Dans l’hébergement-restauration, secteur particulièrement touché par les défaillances, les femmes représentent 35,5% des créateurs mais seulement 27,6% des dirigeants concernés par des procédures collectives
- Dans les activités immobilières, on observe un phénomène similaire (39,3% des créations vs 30,8% des défaillances)
À l’inverse, dans le secteur des autres activités de services, majoritairement féminin, la proportion de femmes parmi les dirigeants en difficulté (48,9%) reste légèrement inférieure à leur part dans les créations (52,4%).
L’âge comme facteur de résilience
L’âge moyen légèrement plus élevé des femmes entrepreneures (41,1 ans contre 40,4 ans pour les hommes) pourrait également contribuer à cette meilleure résilience. Les données montrent en effet une corrélation entre l’âge du dirigeant et la probabilité de survie de l’entreprise à 5 ans.
Perspectives d’avenir pour l’entrepreneuriat féminin
À la lumière des tendances observées en 2024, plusieurs évolutions se dessinent pour l’entrepreneuriat féminin dans les années à venir :
Vers une diversification sectorielle
Si certains secteurs restent encore largement dominés par les hommes, les données montrent une progression graduelle des femmes dans des domaines traditionnellement masculins. Cette diversification devrait se poursuivre, avec notamment :
- Une présence accrue dans le numérique, stimulée par les initiatives de formation ciblées
- Un développement dans le secteur industriel, notamment sur des niches à forte valeur ajoutée
- Une percée progressive dans les services financiers spécialisés
L’impact des nouvelles formes d’entrepreneuriat
L’essor de nouveaux modèles entrepreneuriaux pourrait favoriser une plus grande féminisation :
- Le développement du micro-entrepreneuriat (36,4% des créations en 2024)
- L’émergence de l’entrepreneuriat à impact social et environnemental
- La montée en puissance de l’entrepreneuriat digital à faible intensité capitalistique
Ces formes d’entrepreneuriat, souvent plus accessibles et plus flexibles, semblent particulièrement adaptées aux attentes des femmes entrepreneures.
Le rôle clé des politiques d’accompagnement
Face au plafonnement observé autour de 33% de femmes entrepreneures, seule une politique volontariste d’accompagnement permettra de franchir un nouveau cap. Plusieurs axes apparaissent prioritaires :
- Renforcement des dispositifs de financement spécifiques
- Développement des réseaux de mentorat et de partage d’expérience
- Actions ciblées dans les secteurs à fort potentiel mais encore peu féminisés
Marilyne MAIGRAT, fondatrice de l’agence de recrutement Hunic Conseil, un bel exemple d’entrepreneuriat au féminin.
Les clés du succès pour les femmes entrepreneures de demain
L’analyse des données 2024 met en lumière plusieurs facteurs de réussite pour les projets entrepreneuriaux portés par des femmes :
- Cibler des secteurs porteurs où les compétences féminines sont valorisées
- S’implanter dans des territoires favorables, notamment dans l’ouest de la France ou dans les villes moyennes
- Capitaliser sur la résilience comme avantage compétitif, particulièrement dans un contexte économique incertain
- Développer des réseaux professionnels solides pour compenser certaines barrières persistantes
- Adopter une approche progressive du développement, gage de pérennité
L’entrepreneuriat féminin en 2024 révèle ainsi un tableau contrasté : des progrès indéniables mais un potentiel encore largement inexploité. Les femmes qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale aujourd’hui disposent d’atouts considérables, notamment une meilleure résilience face aux difficultés économiques et une capacité d’innovation dans des secteurs en pleine transformation.
Loin d’être un simple enjeu d’égalité, la progression de l’entrepreneuriat féminin représente un formidable levier de dynamisme économique pour les territoires et les secteurs qui sauront l’encourager.
Et maintenant, passez à l’action !
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