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Marketing

Comment gérer une crise de communication ?

Stéphane Torregrosa

À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, plus personne n’est à l’abri d’une crise de communication. Elle n’est plus l’apanage des grands groupes ou des marques reconnues. La question n’est pas de savoir si vous serez un jour confronté à une crise mais plutôt de vous demander comment et quand cela arrivera. Le fameux Bad Buzz peut toucher à peu près n’importe quelle entreprise, personnalité ou association. Bien sur, plus on est haut, plus dure est la chute si on ne s’y est pas préparé.

Trop surs de leurs produits (ou de la naïveté des consommateurs dans certains cas), persuadés du bon fonctionnement de leur entreprise ou peu habitués à être remis en question, certains patrons se heurtent aux situations de crise avec la plus grande difficulté. Cela explique le déni total avec lequel ils appréhendent ces difficultés.

Si autrefois, la seule voix médiatique répandait les rumeurs alimentant la situation de crise, aujourd’hui ce sont des centaines de milliers de voix qui peuvent s’élever au travers des réseaux sociaux et alimenter durablement un déficit d’image. La crise de communication peut mettre en péril l’image et le fonctionnement d’une organisation.

Il n’est jamais facile de se dépêtrer d’une période de ce type et je vous propose ci-dessous quelques points salutaires.

Anticiper la crise de communication

Une crise de communication n’est jamais un commencement. Elle résulte d’une série de dysfonctionnements, elle est la phase ultime d’un scénario catastrophe qui a démarré bien en amont. L’anticipation d’une crise de communication se fait en deux phases :

Réagir

En premier lieu, il faut savoir capter ces dysfonctionnements et surtout agir dès que cela est possible. Il est effectivement très rare qu’une organisation puisse se réfugier derrière l’ignorance, la plupart des crises étant le fruit d’une passivité et d’une négligence importante.

Si nous examinons certaines des crises majeures récentes, on constate qu’à chaque fois, les responsables étaient informés des risques. Prenons l’exemple du scandale Wirecard en 2020, où des irrégularités comptables avaient été signalées pendant des années avant l’effondrement de l’entreprise. Ou encore la crise de Boeing avec le 737 MAX en 2018-2019, où des ingénieurs avaient alerté sur des problèmes de sécurité bien avant les crashs tragiques. Ce n’est pas un déficit d’information qui entraîne la crise de communication, mais bien un déficit d’action. Les responsables savent mais ne font rien.

Dans certains cas, une réaction rapide et transparente peut permettre de limiter les dégâts. Par exemple, lors du scandale Cambridge Analytica en 2018, Facebook a d’abord tenté de minimiser l’affaire, aggravant la crise de communication. À l’inverse, lorsque Volkswagen a admis rapidement sa responsabilité dans le scandale des émissions diesel en 2015, cela lui a permis de commencer à reconstruire la confiance plus rapidement.

Plus récemment, en 2023, nous avons vu comment la gestion de crise peut varier selon les entreprises. Quand Bud Light a fait face à un boycott suite à une campagne marketing controversée, sa réponse lente et peu claire a prolongé la crise. En revanche, lorsque Target a été critiqué pour sa collection LGBTQ+, l’entreprise a réagi rapidement en ajustant sa stratégie tout en réaffirmant ses valeurs, ce qui a permis de mieux gérer la situation.

Ces exemples montrent l’importance d’une réaction rapide et transparente, même si cela implique d’admettre ses erreurs. La confiance des consommateurs se gagne sur le long terme par des actions concrètes et une communication honnête.

Que dire alors du scandale du sang contaminé en France dans les années 1980-1990, où la lourde responsabilité des personnes informées a eu des conséquences dramatiques sur la santé de milliers de personnes ? Cette affaire reste un exemple frappant des conséquences désastreuses d’une gestion de crise défaillante, particulièrement dans le domaine de la santé publique.

Se préparer

La seconde phase de l’anticipation est celle de la préparation. Une organisation qui réagit bien face à une telle période est celle qui s’est préparée aux pires scénarii catastrophes. La crise de communication se prépare quand tout va bien, quand les choses éclatent, il est déjà trop tard. Tout d’abord, il est nécessaire d’identifier les risques potentiels en fonction de votre secteur. Ils sont nombreux et dépendent de votre activité : sanitaire, politique, fermeture de site, nouvelle direction, mise en cause publique, défaut de produit, corruption, etc.

Dès lors, vous serez avisé de redoubler de vigilance sur chacun de ces facteurs à risques et de mener des audits là où c’est possible. Dans un second temps, vous pourrez définir les rôles de chacun en situation de crise. Qui intervient s’il s’agit d’une crise sociale ? Qui est le plus légitime dans le cas d’un problème sanitaire ? Quel interlocuteur pour un soucis sur un produit ?

Ces personnes sont-elles capables de prendre la parole en public et de représenter votre organisation ou seront-elles rapidement destabilisées par un journaliste à cause de leur manque d’assurance ? En cas de crise de communication soudaine, avez-vous constitué une cellule de crise sur laquelle vous pouvez compter et qui sera capable de vous assister des jours durant, même si cela signifie rester tout le week-end, jour et nuit ?

On le comprend, une crise de communication, cela se prépare. Il ne faut surtout pas se voiler la face et croiser les doigts pour que cela n’arrive jamais. N’ayez jamais la suffisance de croire que vous êtes au-dessus de ça.

Comment gérer une crise de communication

Ne perdez pas de temps

Ca y est, vous êtes au coeur de la tourmente. La dernière chose à faire est d’imaginer que cela va vite s’estomper. Ne perdez pas de temps, mettez en place votre stratégie et partez au front. Se murer dans le silence est un mauvais réflexe qui donnera toute la place médiatique à vos adversaires. De plus, dans l’esprit du public, on ne se mure dans le silence que lorsque l’on a des choses à cacher.

Ça n’est pas facile évidemment, mais soyez présent publiquement. Donnez de l’information, montrez votre visage, restez surtout serein et n’hésitez pas à vous faire assister d’une agence de communication spécialisée dans la gestion de crise de communication. N’ayez pas peur de montrez vos émotions, soyez humains.

Ne vous réfugiez pas dans le déni

La crise du “chevalgate“, également connue sous le nom de fraude à la viande de cheval de 2013, a éclaté en janvier 2013 lorsque des tests ADN ont révélé la présence de viande de cheval dans des produits étiquetés comme contenant du bœuf. Cette fraude alimentaire à l’échelle européenne a rapidement pris de l’ampleur, impliquant plusieurs pays et entreprises.

Le scandale a atteint son paroxysme lorsque Findus a reconnu, le 8 février 2013, que ses lasagnes au bœuf vendues au Royaume-Uni contenaient en réalité de la viande de cheval. Bien qu’il n’y ait pas eu de risque sanitaire avéré, cette affaire a profondément ébranlé la confiance des consommateurs envers l’industrie agroalimentaire et mis en lumière les failles dans la traçabilité des produits carnés.

Au cours de cet événement, l’un des acteurs principaux a réagi avec beaucoup moins de panache que Findus et s’en est trouvé bien plus contrarié. Spanghero, la société française  de conserverie et d’élaboration de produits alimentaires à base de viande, est à l’origine de la distribution de quelques 750 tonnes de cheval déguisé en bœuf et 57 tonnes de mouton britannique interdit à l’importation.

Si Findus a tout de suite mis cartes sur table en avouant le scandale, Spanghero s’est réfugié tout du long dans une communication larmoyante de déni et de bouc émissaire. Ainsi, face à la colère des consommateurs et du gouvernement, Spanghero rejette la faute sur ses fournisseurs, se plaçant elle-même en victime et mettant en avant ses 300 salariés risquant de perdre leur emploi. Cette communication culottée, malsaine et totalement fausse, finira par retomber sur les épaules de l’entreprise qui fermera ses portes en 2013. La firme de Castelnaudary a bien tenté de renaître des cendres sous le nom de “La Lauragaise” avant de succomber à un redressement judiciaire un an plus tard.

Il ne sert à rien de nier la crise de communication ou ses causes si vous savez pertinemment que vous n’êtes pas blanc comme neige.

crise de communication

Soyez honnête

Le point précédent nous amène directement ici. Soyez honnête, franc, n’utilisez pas la langue de bois, cela se retournera contre vous, tôt ou tard. La vérité est indispensable et doit être votre règle absolue. Tous les communicants ne vous l’imposeront pas, un grand nombre de patrons ne voudront pas s’y plier, mais il s’agit d’une règle élémentaire. Analysez les deux vidéos ci-dessous :

 

Entre la réaction de Michel Assadourian, directeur général de Wiko, la marque française de téléphones mobiles et celle de François Quentin, le PDG de Huawei, il y a un fossé gigantesque. Les consommateurs émus par le sort des enfants fabriquant leurs téléphones portables seront certainement plus enclins à se tourner vers Wiko que Huawei. D’une part, Michel Assadourian ne nie pas sa responsabilité. Il assure ne pas en avoir été informé et fait part de son émotion mais ne tente pas de jeter la faute sur d’autres. Sa réaction est humaine, touchante. Les paroles seront suivies d’action puisque depuis le 10 juin, Wiko a cessé de travailler avec l’usine qui emploie ces enfants.

François Quentin de son côté, dans le second extrait, est l’image parfaite du patron détestable et sur de son bon droit. Balançant d’un revers de main les images d’Elise Lucet, entouré de communicants tentant de retenir et de faire taire la journaliste, sans parler des tweets menaçants qui ont suivi la diffusion de l’émission, il a parfaitement accompli tout ce qu’il ne faut pas faire dans une pareille situation. Ses excuses tardives et la diffusion d’un communiqué de la part de l’entreprise n’auront pas suffit à rattraper ce dérapage incontrôlé.

Faute avouée est à moitié pardonnée. Si la responsabilité de l’organisation ou de l’un de ses dirigeants est effectivement engagée, il faut l’avouer tout de suite. Ne tentez pas de détourner le centre d’attention de la crise médiatique. Les médias trouveront toujours ce qu’il y a à trouver alors soyez clair et vrais. Si vous vous engagez sur des réparations ou de nouvelles pratiques plus sécurisantes ou propres, tenez vos engagements. Pour l’image de votre organisation, soyez authentique (et pas seulement en temps de crise !)

Communiquez en interne

Ne l’oubliez pas, vos équipes peuvent être votre meilleur soutien mais aussi des portes-paroles efficaces en temps de crise. Cela sous-entend que votre communication interne est déjà mise en place en amont et que vos collaborateurs sont bien informés, mais aussi bien traités ! Faites de vos employés vos meilleurs atouts dans une période de crise, et travaillez à cela bien avant qu’un problème n’éclate avec une communication interne bien ficelée.

Il est donc important durant une crise de communication d’avoir une cellule interne qui informe les salariés, qui communique les positions de l’organisation et ses prochaines actions. Impliquez-les autant que possible.

Restez sur vos gardes

Quand la crise de communication s’apaise, restez sur vos gardes, vous n’êtes jamais à l’abri d’un retour de flammes, même des mois plus tard. L’idéal est d’apporter de l’information, d’être la dernière voix entendue. Tenez vos engagements, démontrez-les et communiquez dessus. Cela peut-être l’occasion de réorienter totalement votre communication sur ces nouvelles bases afin d’appuyer le fait que la leçon est apprise et que ces valeurs sont désormais au centre de votre stratégie et de l’identité de votre organisation.

Tout cela vous permettra, si le vent souffle à nouveau et menace de se transformer en tempête, de tenir ferme sur vos nouvelles positions.

Les bienfaits d’une crise de communication

Tout n’est pas forcément négatif dans une crise de communication. Il peut s’agir d’une rupture de la routine. En temps normal, quand tout va bien, les marges de manoeuvre managériale ou marketing sont encadrées dans un statu-quo qui permet à l’entreprise de tourner convenablement. Difficile dans ces conditions de chambouler toutes les procédures sans perdre en efficacité.

La crise de communication permet de bousculer les faits établis, les régularités et, par conséquent, permet aux dirigeants d’amener de nouvelles façons de faire, d’échapper aux règles, voir même de changer radicalement l’identité de leur organisation. C’est une opportunité d’innover, de transformer et de bouleverser l’immobilisme.

Mais le changement est souvent effrayant et les dirigeants auront souvent tendance à l’étouffer et à rétablir au plus tôt les normes. Quitte pour cela à dire que la crise en question n’avait aucun rapport direct avec le fonctionnement de l’entreprise !

“Nous avons été frappés par l’exemple de l’un des dirigeants d’une entreprise de transports aérien qui, au lendemain d’un crash ayant fait plusieurs victimes, nous a expliqués que cet accident n’était pas une crise. Il considérait même que ce crash était le contraire d’une crise dans la mesure où, au lendemain de l’évènement, le niveau des réservations sur les appareils de cette compagnie n’avait pas bougé d’un iota.”
La gestion de crise : un enjeu stratégique pour les organisations de Christophe Roux-Dufort

Si une entreprise, à la sortie d’une crise, se met dans une position de remise en cause et qu’elle est capable d’apprendre, elle peut évoluer et peut-être devenir plus forte qu’elle ne l’a jamais été. Les crises sont inévitables, elles font partie de notre quotidien médiatique et industriel. Elles sont souvent nécessaires pour les consommateurs, mettant fin à des travers ou révélant des catastrophes occultées.

Elles peuvent être aussi de taille plus réduite, naissant d’un bad buzz sur les réseaux sociaux. Dans tous les cas, servez-vous en pour évoluer et faire grandir votre organisation.

Soyez sincères, authentiques, vous avez tout à y gagner!

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