Écrit par Thomas GROSSE – Expert comptable associé Extencia – spécialiste de la Pharmacie
Paru dans le Moniteur des pharmacies N°3249 du 1er décembre 2018
Afin de favoriser l’installation du pharmacien et redynamiser toute forme d’entrepreneuriat d’une manière plus générale, différents dispositifs incitatifs, de nature aussi bien sociale que fiscale, coexistent à ce jour. La reprise ou la création d’une pharmacie dans certaines zones à redynamiser telles que les zones de revitalisation rurale (ZRR) permet de bénéficier d’exonérations d’impôts substantielles et de réaliser de sacrées économies contribuant à sécuriser les plans de financement des acquéreurs.
Ainsi, le pharmacien peut pouvoir prétendre à des aides financières dans l’hypothèse où il se trouverait demandeur d’emploi au moment de son installation (exonération partielle de cotisations sociales sur ses revenus, perception d’un capital octroyé par le Pôle Emploi…). Par ailleurs, des exonérations fiscales, dont la vocation est d’impulser l’installation du pharmacien dans certaines zones géographiques jugées exposées sur le plan économique, peuvent également lui être attribuées selon le lieu d’implantation de l’officine reprise, et sous certaines conditions.
- Les incitations sociales
Les demandeurs d’emploi qui perçoivent ou sont susceptibles de percevoir une allocation chômage et qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise peuvent bénéficier d’avantages sous forme d’un allègement de cotisations sociales et du versement d’une aide financière de la part du Pôle Emploi. Le pharmacien repreneur d’une officine peut, par conséquent, revendiquer le bénéfice de ces aides, sous certaines conditions. « Ces dispositifs incitatifs représentent bien souvent pour le jeune pharmacien un levier financier supplémentaire non négligeable, et peuvent ainsi apporter leur lot de contributions à la réussite de son installation, du moins lors de sa phase de lancement », souligne Thomas Grosse, expert-comptable associé du cabinet Extencia.
- L’ACCRE
L’Aide aux Chômeurs Créateurs et Repreneurs d’Entreprise (ACCRE) consiste en une exonération d’une partie des cotisations sociales dues par le pharmacien au titre de sa première année d’activité de titulaire. La part de revenu concerné par l’exonération est cependant retenue dans la limite de 1,2 fois le SMIC, soit 21 578 € sur la période de référence de 12 mois (base SMIC 2018). L’éventuelle fraction de revenu excédentaire n’est en revanche pas éligible au dispositif. De plus, il convient de souligner que l’exonération porte sur l’ensemble des charges, à l’exception de la CSG/CRDS et de la part de retraite complémentaire. Ainsi, l’économie maximale qu’il peut en résulter pour le pharmacien serait de l’ordre de 3 800 € selon les taux de cotisations actuellement en vigueur, comme le montre l’exemple chiffrée qui suit.
Exemple : (source : Extencia) :
Rémunération annuelle du pharmacien : 36 000 €
Part du revenu concerné par l’ACCRE : 21 578 €
Part du revenu non concerné par l’ACCRE : 14 422 € (36 000 – 21 578)
Total cotisations sociales dues avec l’ACCRE (hypothèse classe 3 CAVP) : 15 511 €
Total cotisations sociales dues sans l’ACCRE : 19 310 €
Economie de charges sociales réalisée du fait de l’ACCRE : 3 799 €
« Afin d’être en mesure de pouvoir prétendre à l’ACCRE, le pharmacien doit, au préalable de son installation, être demandeur d’emploi indemnisé par Pôle Emploi ou susceptible de l’être compte tenu de sa situation, précise Thomas Grosse. Mais il peut également se retrouver éligible à ce dispositif, dans le cas contraire, à condition toutefois de justifier de son inscription auprès du Pôle Emploi sur une durée minimale de 6 mois au cours des 18 derniers mois précédant son installation. »
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2017, l’ACCRE est réservée aux personnes éligibles dont les revenus d’activité sont inférieurs au plafond annuel de la sécurité sociale, c’est-à-dire 39 732 € en 2018.
En ce qui concerne les conditions relatives à la pharmacie-cible, le pharmacien néo-titulaire doit exercer le contrôle effectif de cette dernière suite à l’opération d’acquisition en détenant au minimum 1/3 du capital, sous réserve qu’un autre associé ne détienne pas plus de la moitié du capital. De plus, plusieurs pharmaciens peuvent revendiquer séparément le bénéfice de l’ACCRE pour un seul et même projet de reprise, sous condition néanmoins de rassembler collectivement plus de 50% du capital, d’avoir la qualité de dirigeant, et de détenir individuellement au moins 1/10ème de la fraction du capital détenue par l’associé propriétaire de la plus grande part de capital.
Ainsi, le bénéfice de l’ACCRE va dépendre de la part détenue par les associés dans le capital, comme le montre cet autre exemple :
Exemple : (source : Extencia) :
Deux pharmaciens A et B, tous deux inscrits et indemnisés par le Pôle Emploi, rachètent ensemble une officine au sein de laquelle ils engagent tous deux leurs diplômes, par l’intermédiaire d’une SELARL dont ils se retrouvent co-gérants.
Cas n°1 : La SELARL est détenue à 50/50 par A et B
A et B peuvent tous deux revendiquer le bénéfice de l’ACCRE
Cas n°2 : La SELARL est détenue à 75% par A et 25% par B
A et B peuvent tous deux revendiquer le bénéfice de l’ACCRE, car B détient plus de 1/10ème de la participation de A (25% > 1/10 de 75%)
Cas n°3 : La SELARL est détenue à 95% par A et 5% par B
A peut revendiquer le bénéfice de l’ACCRE à la différence de B qui détient moins de 1/10ème de la participation de A (5% < 1/10 de 95%).
Sur le volet administratif, le candidat à l’ACCRE doit déposer un formulaire de demande auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent, à savoir le greffe du tribunal de commerce pour le pharmacien, dans les 45 jours suivant le dépôt de la déclaration de création ou de reprise de l’entreprise. Si le dossier est complet, le CFE en informe les organismes sociaux et transmet la demande dans les 24h à l’URSSAF qui dispose alors d’un délai d’un mois pour statuer sur la demande. L’absence de réponse dans le délai imparti vaut décision implicite d’acceptation de la demande.
Encadré : Bon à savoir :
Une réduction de cotisation CAVP peut être demandée par le pharmacien titulaire cotisant en classe 3 selon son revenu d’activité non salarié de l’année N-1 ou N-2
Si le revenu N-2 ou N-1 est inférieur à 13 244 € : Réduction de 75 %
Si le revenu N-2 ou N-1 est compris entre 13 244 € et 26 488 € : Réduction de 50 %
Si le revenu N-2 ou N-1 est compris entre 26 489 € et 39 731 € : Réduction de 25 %
- L’ARCE
L’Aide à la Reprise ou à la Création d’Entreprise (ARCE) est un accompagnement financier octroyé à l’entrepreneur par Pôle Emploi. Cette aide s’adresse aux demandeurs d’emploi bénéficiant ou susceptibles de bénéficier de l’indemnisation classique d’Aide au Retour à l’Emploi (ARE), et ayant obtenu l’ACCRE. Les conditions d’éligibilité demeurent par conséquent identiques à l’ACCRE dans la mesure où le bénéficiaire de cette dernière se retrouve automatiquement en droit de prétendre à l’ARCE. Les deux aides sont donc cumulatives.
L’ARCE consiste à recevoir une partie des allocations chômage restantes à percevoir sous forme de capital. Son montant est équivalant à 45% des droits à l’ARE restant à verser au pharmacien au moment de son installation. Le premier versement, correspondant à la moitié de l’aide à percevoir, est réalisé à la date à laquelle le demandeur réunit les conditions d’attribution de l’ARCE. Le versement du solde intervient, quant à lui, six mois plus tard, à condition bien entendu que le pharmacien soit à cet instant toujours titulaire de l’officine reprise.
Exemple : (source : Extencia) :
Pharmacien coefficient 470
Salaire brut mensuel avant inscription Pôle Emploi : 3 200 €
Indemnité chômage mensuelle (ARE) : 1 900 €
Timing installation : 3 mois après l’ouverture des droits à l’ARE
Montant de l’ARCE : Près de 18 000 € (1900 € x 21 mois x 45%), versement de 9 000 € à l’installation, puis de nouveau 9 000 € six mois plus tard.
« L’ARCE peut ainsi représenter un complément de revenu significatif pour le pharmacien néo titulaire, signale Thomas Grosse. En effet, cette aide pourra souvent lui permettre de consentir une baisse de sa rémunération au cours de la première année post installation, ce qui demeurera rassurant et pourra étroitement contribuer à une amélioration du business plan établi dans le cadre de son installation. »
- Les incitations fiscales
Indépendamment des aides sociales précédemment exposées, des dispositifs fiscaux peuvent conduire à des exonérations temporaires d’imposition des bénéfices, en fonction du lieu d’implantation de l’officine acquise. Ces allègements d’impôt ont pour but de favoriser la création et la reprise d’entreprises dans des zones jugées sensibles en termes d’activité économique, et dument déterminées par décrets.
« Bien que ces exonérations fiscales soient plafonnées, il n’en demeure pas moins que ces dernières peuvent s’avérer particulièrement intéressantes et contribuer à une amélioration significative de la surface financière de l’officine, explique-t-il. Le pharmacien repreneur pourra ainsi entrevoir un accroissement considérable de sa capitalisation future, voire même de la rémunération immédiate de son travail et/ou de son capital. »
- Focus sur les exonérations au sein des ZRR
Les officines acquises dans des Zones de Revitalisation Rurale (ZRR) bénéficient d’une exonération totale d’imposition sur ses bénéfices, quel que soit le régime fiscal applicable (IR ou IS), pendant une durée de cinq ans suite à l’opération de rachat. Des abattements sont ensuite appliqués sur les bénéfices imposables constatés au cours des trois années suivantes (abattements de 75% la sixième année, 50% la septième année, puis 25% la huitième année). Ce dispositif a récemment été prorogé jusqu’au 31 décembre 2020 et concerne les pharmacies dont l’effectif est inférieur à onze salariés (principale condition susceptible de ne pas être satisfaite dans le cas d’une officine).
Dès lors qu’elle répond aux critères d’exonération*, l’entreprise n’a pas de demande spécifique à faire pour pouvoir en bénéficier. L’avantage fiscal est de ce fait automatique, dès lors que le résultat exonéré est dument positionné dans la case prévue à cet effet sur la première liasse fiscale déposée auprès de l’Administration. Afin de s’assurer de son éligibilité au dispositif, l’entreprise peut si elle le souhaite demander préalablement au service des impôts la confirmation du respect des conditions requises à son cas d’espèce. L’absence de réponse après un délai de trois mois vaut acceptation de la part de l’Administration.
* Conditions générales d’éligibilité au dispositif ZRR :
Les entreprises, quel que soit leur statut juridique ou leur régime fiscal, créées ou reprises avant le 31 décembre 2020 ayant :
- une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale ;
- un siège social et toutes les activités implantées dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ;
- un régime réel d’imposition (de plein droit ou sur option) ;
- moins de 11 salariés en CDI ou en CDD d’au moins 6 mois ;
- moins de 50 %du capital détenu par d’autres sociétés.
Cependant, les avantages fiscaux procurés par le dispositif sont encadrés et demeurent plafonnés au respect de la règle des « minimis » (cette règle prévoit qu’une même entreprise ne peut recevoir que 200 000 € d’aides sur une période de 3 exercices fiscaux). En ce qui concerne le dispositif ZRR, ces derniers ne peuvent excéder une économie d’impôt égale à 200 000 € sur une période de référence de trois années glissantes et consécutives.
L’exemple ci-dessous montre la progressivité de l’impôt à partir de l’année 4.
Exemple : (source : Extencia) :
Economies d’impôt procurées par le dispositif ZRR :
Année 1 : 50 000 € => Pas d’impôt à régler car l’économie fiscale réalisée est inférieure à 200 000 €
Année 2 : 60 000 € => Pas d’impôt à régler car le cumul des économies fiscales réalisées sur les années 1 et 2 est égal à 110 000 € (< 200 000 €)
Année 3 : 70 000 € => Pas d’impôt à régler car le cumul des économies fiscales réalisées sur les années 1, 2 et 3 est égal à 180 000 € (< 200 000 €)
Année 4 : 75 000 € => 5 000 € d’impôt à régler car le cumul des économies fiscales réalisées sur les années 2, 3 et 4 est égal à 205 000 € (> 200 000 €)
Année 5 : 80 000 € => 25 000 € d’impôt à régler car le cumul des économies fiscales réalisées sur les années 2, 3 et 4 est égal à 225 000 € (> 200 000 €)
Le cas particulier des structures à l’IS
« Afin d’optimiser la fiscalité ZRR dans les structures à l’IS et de réduire par la même occasion au maximum les cotisations sociales du pharmacien, il peut généralement s’avérer judicieux d’effectuer un arbitrage entre rémunération et dividendes sur les conseils de son expert-comptable, recommande Thomas Grosse. L’objet de la manœuvre consiste alors à réduire la rémunération du titulaire, et à accroitre en contrepartie les dividendes distribués, ces derniers pouvant entrer dans le champ d’application de la « flat tax ». En effet, la déduction de la rémunération sur le résultat fiscal demeure sans objet compte tenu de l’exonération accordée, sa diminution n’entrainant par conséquent aucun surplus d’IS à régler. L’impôt proportionnel de 12,8% ainsi que les prélèvements sociaux de 17,2% applicables sur les dividendes seront très souvent moins coûteux que l’impôt progressif et les cotisations sociales ponctionnés sur la rémunération du titulaire. »